"Tu vis et tu ne me fais rien". D’une poïétique des images

INGLESE. Du lebst und thust mir nichts: in relation to the humanist tradition to which it belongs, Aby Warburg's phrase nevertheless stands out for a very singular character, which, it seems to me, is not too far from that of Jackie Pigeaud and her multiform writing, at once learned and dreamy, meticulous and jubilant, curious and obstinate. The speaker - notably Aby Warburg, an art historian who was eccentric in relation to his academic discipline, like Jackie Pigeaud in relation to ancient Greek and Latin philology and philosophy - in fact speaks in the first person, and he speaks to the image and the work of art, that is to say, to the presupposed object of his knowledge, which thus becomes in turn a subject and, in principle at least, responds to him, replies to him, challenges him and questions him. Pigeaud has shown us that it is necessary to dwell, with sensitivity, patience and accuracy, on the interdependence between the images of art and science, notably medical and more precisely anatomical, and the thought of life. It is according to this correlation and the imaginaries that it conveys and nourishes - epistemic, philosophical, aesthetic, ethical, literary, poetic - that we learn a pathic knowledge of the living and the human, as well as of the works of men and women and of the arts, of the past, the present and the future.FRANCESE. Du lebst und thust mir nichts : par rapport à la tradition humaniste à laquelle appartient,la phrase de Aby Warburg se distingue néanmoins pour un caractère très singulier, qui, il me semble, n’est pas trop loin de celui de Jackie Pigeaud et son écriture multiforme, à la fois savante et rêveuse, minutieuse et jubilatoire, curieuse et obstinée. Celui qui parle – notamment Aby Warburg, historien de l’art excentrique par rapport à sa discipline académique, comme Jackie Pigeaud par rapport à la philologie et à la philosophie antiques, grecques et latines –, prenne en fait la parole en première personne et il tutoie l’image et l’œuvre d’art, c’est-à-dire l’objet présupposé de son savoir, qui devienne ainsi à son tour sujet et, en principe au moins, lui réponds, lui réplique, l’interpelle et l’interroge. Pigeaud nous a montré qu’il faut s’attarder, avec sensibilité, patience et justesse, sur l’interdépendance entre les images de l’art et des sciences, notamment médicales et plus précisément anatomiques, et la pensée de la vie. C’est selon cette corrélation et les imaginaires qu’elle véhicule et nourrit – épistémiques, philosophiques, esthétiques, éthiques, littéraires, poétiques – qu’on apprend une connaissance pathémique du vivant et de l’humain, ainsi que des oeuvres des hommes et des femmes et des arts, du passé, du présent et du futur